LA FORMIDABLE JOURNEE VELO AU PLOT, DE PIERROT !
Je vais être franc. Au départ, l’idée de Pierrot me paraissait saugrenue. Organiser une Journée vélo, avec pour point de chute le Plot, manger là bas quelques cuisses de grenouille, visiter un moulin désaffecté … et repartir, avouez que c’était plutôt osé, et qu’il fallait quand même y penser. Distance à parcourir : 8.5 km à vol d’oiseau de Beauzac au restaurant. Un objectif plutôt modeste, et pouvant même paraitre ridicule aux yeux de quelques forçats de la route et autres avaleurs de kilomètres que compte le club, et pourtant … Derrière cette façade racoleuse, se cachait un vrai challenge, un défi à relever plus délicat que prévu. De cette journée finalement riche en événements divers, que quelques audacieux osèrent braver et dont je fus l’heureux témoin, je vais tenter de mon mieux, de vous en faire un récit détaillé.
- 8h00
Dès potron-minet, rassemblement sur le parking de la salle polyvalente, et brève revue des troupes. Sont présents :
Pascal Méasson : Après avoir mené une carrière exemplaire de « roulant » à la SNCF, a décidé maintenant de ne pas toujours rentrer à l’heure à la maison.
Pascal Laborderie : promu depuis quelques jours citoyen beauzacois, et bien décidé ce matin à montrer qu’il en est digne.
Daniel Satre : toujours là quand on lui promet à boire et à manger.
Alain Sabatier : épicurien dans l’âme. Il sait en venant aujourd’hui, qu’il ne sera pas déçu.
Jacques Dorel : roi du chrono. Ex champion de France master de la discipline. Formidable rouleur. Par contre, piètre descendeur, sauf devant une canette ou un bon canon de rouge à table.
Guy Chalancon : ex très bon footballeur. Il en a gardé un excellent sens du dribble, qui aujourd’hui en vélo, lui permet d’éviter d’abord, les écueils de la route, mais parfois aussi, les trajectoires douteuses de quelques compagnons de route.
Pierrot bien sur ! Notre maitre de cérémonie aujourd’hui, et votre serviteur. Papé aussi, que j’oubliais, élément incontournable dès que l’on parle de convivialité, et qui nous rejoindra à table, à midi … et en bagnole.
- 8h05
Départ direction Vorey, puis Bellevue la Montagne. L’annonce d’une sortie au Plot, finalement n’était qu’un leurre. Un stratagème déjà bien connu, et même très souvent usité dans le club. Une manœuvre qui consiste à annoncer et à faire croire à un parcours facile, pour ensuite le transformer et le rallonger en cours de route par quelques détours.
- 8h40
Passage à Chamalière. L’ami Jean-Claude, dit Coco pour les intimes, est à sa fenêtre. Quand il ne roule pas parmi nous, il guette de chez lui le passage des cyclistes, jamais avar d’un signe d’amitié ou d’encouragement.
- 9h06
Vorey est en vue, et émerge des brouillards. Depuis que nous sommes partis, la vallée de la Loire étouffe sous un épais matelas de brume … de longs filaments cotonneux et tenaces s’accrochent aux berges du fleuve … la vallée de l’Arzon est elle aussi sans soleil …
- 9h50
Bellevue la Montagne. Chacun a grimpé la cote à son rythme, et là haut tout le monde se regroupe. Maintenant plein soleil sur la campagne environnante. Brève concertation pour décider de la suite du parcours, et décision collégiale de poursuivre par Chomélix, et ensuite Craponne. Après nous descendrons sur Fraysse et remontrons sur Boisset. Balade bucolique par le chemin des écoliers qui nous mènera cahin-caha jusqu’à Tirange où il ne nous restera plus qu’à nous laisser glisser jusqu’au bord de l’Ance où nous attendra la table de notre restaurant.
- 10h23
Incident mécanique dans la descente de Fraysse. Daniel est arrêté sur le bord de la route, un rayon de la roue arrière cassé. La jante fissurée est hors d’usage et la roue ne passe plus entre les bases et les haubans du cadre. Sans roue de rechange, impossible pour lui de repartir, à moins de reforger le cadre, comme Eugène Christophe avait du s’y employer en 1913 à Sainte-Marie de Campan dans la descente du Tourmalet. Une opération audacieuse et difficile à mettre en œuvre, alors Papé, l’homme providentiel, de la situation est contacté. Il va venir chercher Daniel en bagnole. Ces deux là se connaissent bien. Ils ont déjà fait route commune lors d’un tour de la Haute Loire, quand là encore, un incident mécanique avait laissé Daniel sur le flanc.
- 12h03
Les cyclistes arrivent au Plot, et s’installent à la table du restaurant où ils sont attendus. Un menu copieux s’offre alors aux commensaux. Des plats faits d’une cuisine simple, mitonnée dans de grosses marmites, concoctée avec amour par une maitresse de maison, qui sert elle-même les plats à la table, fait le service sans façons ni manière, comme d’ailleurs devraient s’y employer à la maison nos épouses modèles, nanties soient elles d’un minimum d’éducation ! Autre détail d’importance ; sur le menu apparait la mention : vin à volonté ! Une formule qui comporte un avantage pécuniaire, c’est sur. Surtout pour des cyclistes guettés par la soif et quelque peu déshydratés ! Mais qui a aussi quelques inconvénients. Comme quand au bout d’un certain temps déjà passé à table, celle-ci ressemble à un jeu de quilles, et que les convives ne jugent même plus utile de recenser les bouteilles vides. Attention ! Pas par négligence, parce qu’ils savent que de toute façon ils ne payeront pas plus cher ; mais par décence envers les ligues antialcooliques, qui malgré un louable travail, très souvent se trompent, en associant sans grand discernement le sport et la sobriété !
- 15h13
Les cyclistes sortent de table, et se rendent à pied jusqu’au moulin, situé un peu plus bas au bord de l’Ance.
- 15h17
Début de la visite guidée du moulin, assurée par le patron du bistrot.
- 15h18
Un petit problème. On a perdu Jacques !
A la sortie du bistrot, et alors que l’on partait à pied, en compagnie du patron, notre guide, notre Jacquot se retrouve nez à nez avec un ancien collègue de travail, comme lui à la retraite. Là, au Plot ! C’est surprenant, mais c’est comme ça. Après une incontournable petite discussion avec cette vieille connaissance, il tente alors de nous rejoindre et part sur nos traces. Sans succès. Peu inspiré, il traverse alors le pont de l’Ance, et entame la grimpée en direction de Tirange, à pied sur la route, seul dans la montagne … à la recherche peut être d’un hypothétique moulin à vent ? ! Tout à coup conscient de son erreur, de sa méprise, il fait demi-tour. Se renseigne auprès d’un autochtone qui lui indique le bon chemin à prendre, et nous rejoint enfin. Incident clos.
- 15h25
La visite continue. Un vrai petit émerveillement. C’est avec surprise que nous découvrons là un bijou de mécanique et d’ingéniosité. Un univers magique pensé par nos ancêtres. Tout un automatisme subtil fait de pignons, de poulies, de courroies, de renvois, et qui mue par la seule force motrice de l’eau, assure toutes les étapes de la transformation de la matière première, le grain, pour au final, arriver à de la farine conditionnée en sac et prête à être utilisée pour faire le pain. Subjugués, tous les membres de la troupe écarquillent de grand yeux, tout à coup un peu redevenus enfants, comme quand ils s’étaient retrouvés devant leur premier jeu de mécano un jour de Noel. Tous, sauf un ! Pascal Méasson, fils de meunier à Confolent. Il est le seul à ne pas pénétrer là en terre inconnue, plus érudit même sur le sujet, que ne l’est notre guide !
- 15h50
Fin de la visite, et départ des cyclistes du Plot en ordre dispersé. Direction Charré. Les jambes sont dures, et tournent avec moins de fluidité que les rouages, pourtant presque séculaires, du vieux moulin.
- 16h07
Jussac. La troupe regroupée s’engage sur la grande route et entame le retour vers Beauzac.
- 16h16
La Croix de l’Horme, où aujourd’hui il n’y a même pas eu de sprint ! Arrêt, et bref débriefing. Pierrot propose de ne pas en rester là, et invite chacun à se rendre chez lui. Tout le monde acquiesce, sauf Guy. Redoute-t-il un traquenard ? Je crois que Guy à peur !
- 16h19
Arrivée des cyclistes chez Pierrot. Chacun s’installe confortablement autour de la table, à l’abri dans le petit kiosque. Un petit havre de paix au milieu de la nature. Tout autour, un petit jardin arrangé avec goût, de la pelouse, de beaux massifs de fleurs. Chacun respire, goûte avec bonheur à la quiétude du lieu. Et puis au centre, il y a la table. La fameuse table à Pierrot ! Là encore un petit bijou d’ingéniosité, de fonctionnalité, un truc pratique en diable ! Un large plateau circulaire placé en son centre et monté sur roulements à billes, qui permet d’assurer la distribution de la boisson à partir d’un poste fixe. La table tourne, et l’on est servi. Simple et efficace !
- 16h21
La table tourne …
- 16h24
La table tourne …
- 16h25
La table tourne … etc. … je m’arrête là, j’en prends le tournis !
- 16h32
Daniel nous rejoint, propre et changé. Il arrive en VTT. Beau comme un sou neuf. Le VTT ! Mais lui aussi ! Mais là, tout à coup, la table s’affole. Comme dans un remake du célèbre western de Fred Zinnemann où dans la version originale il est question d’un train, et dans un laps de temps record, la table tournera trois fois !
- 17h48
Colette, Janine, Françoise, rentrent de promenade et nous rejoignent … la table ne tourne plus !
- 17h52
Elles repartent.
- 17h52’18’’
La table tourne.
- 18h22
Des ombres commencent à se dessiner dans le jardin … les fleurs prennent alors de douces teintes pastelles … le soleil décline doucement … ce qui prouve bien que la terre tourne. La table à Pierrot, tourne, elle aussi … encore …
- 19h33
Les organismes semblent quelque peu fatigués. On pourrait croire que la table va alors rester maintenant immobile et inerte. Mais comme l’avait énoncé Galilée au temps des inquisiteurs : « et pourtant elle tourne » … encore … la table à Pierrot …
- 19h46
Est venue l’heure maintenant de nous séparer … et un mot d’ordre unanime : merci Pierrot !
Epilogue
Pierrot a plus d’un tour dans son sac. Sac, dont certain soir, il peut nous sortir toute une ribambelle de « faux nez », masques, mirlitons et tenues de déguisement en tout genre. Tout un panel d’accessoires, qui font de lui un des plus efficaces et redoutables roi de la nuit local ! Mais là, ce que tu nous as sorti de ton sac, mon cher Pierrot, c’est encore autre chose ! Le truc rare, qui flirt carrément avec l’idée de génie : Une journée de vélo au Plot ! Alors bien sûr que l’idée au départ n’a pas été prise au sérieux, raillée, moquée, par quelques esprits étroits. Et pourtant … laisse-moi te dire, pour en avoir été l’un des heureux témoins, qu’elle était tout simplement géniale. Et comme beaucoup de génies avant toi, tu as connu et subit l’injuste sort des gens moqués, très souvent décriés, et parfois même, livrés à la vindicte populaire ! Le Plot, ce village gaulois, ce bled paumé, jamais mentionné dans la moindre brochure du moindre « tour operator », a su pourtant nous apporter un immense bonheur. Un bonheur simple, sans chichis. Le simple bonheur d’être ensemble et de partager autour d’une table et devant quelques verres, un moment de camaraderie et de convivialité rare et sans prix. Le Plot et son petit bistrot, son moulin et ses cuisses de grenouilles, de grâce, préservons le, et gardons ce trésor. N’éventons pas sa richesse. Ces cons de chinois seraient bien capables de nous l’acheter !
Denis Confolent le 23 août 2015